« Le
phare fait vingt huit mètres de haut ! Toi tu fais un mètre vingt huit : c’est
toi qui en seras le gardien ! » Il m’a dit ça comme ça à brûle-pourpoint, je
sortais juste des chiottes, les yeux encore plein d’étoiles, les jambes un peu
titubantes, soulagé certes, mais anxieux aussi, car il me fallait retourner à
mon poste, retrouver les collègues et la chaîne de montage. C’était la première
fois qu’il m’alpaguait comme ça juste à la sortie. Très efficace, soit dit en
passant. La porte est, comme de juste, tout au fond du couloir. Le couloir est
étroit. Mon patron est gros. La droite de son ventre touche un mur, l’autre
flanc, le gauche, de son ventre, touche un mur, lui aussi, mais l’autre. Quant
à passer par au dessus, ou en dessous, inutile d’y songer. Il aurait tôt fait
de me rattraper, je crois. Donc je n’ai pas le choix, je l’écoute, et je
réalise lentement ce que ça signifie. Moi, le nain de la boîte, serai au sommet
du grand phare qui domine tout le village et par delà le village toute la
région, et vers lequel spontanément les habitants tous les jours tournent leurs
yeux pour le contempler, ou juste pour fixer leur regard sur quelque chose
plutôt que sur le néant qui fait office d’horizon par ici. Moi le nain, je
serai au sommet, mais, mais, mais c’est, mais oui, mais c’est vertigineux. Et
grâce à quelques contorsions, j’ai réussi, par la grande baie vitrée de
l’entrée de l’usine, et en glissant un regard entre l’aisselle gauche et le
sein gauche du patron qui n’avait pas bougé et continuait de toucher les deux
murs du couloir menant au cabinet de toilettes j’ai pu distinguer un petit bout
du phare, de son profil majestueux, féodal, hiératique, et j’ai eu envie, oui,
envie, pour la première fois, de serrer mon gros patron contre mon petit cœur
de nabot.
vertigineux?
RépondreSupprimertu veux dire oh! c'est haut !
mel
ah excellent ! un commentaire, qui est passé, et que je lis ! même les non-geeks peuvent blogger ! bise mélanie!
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