samedi 2 mars 2019

Pauv' René


Pauv’ René. Tout le monde il fait rien qu’à dire du mal de lui. Quand il en parle. Parce que tout le monde il a tendance aussi à ne pas en parler. Mais quand il en parle il fait rien qu’à dire, Le dualisme cartésien laissez-moi rire, Tout ça c’est la faute à Descartes, etc. René, quand on le cite, c’est de moins en moins cogito ergo sum dans des émissions philosophiques. Maintenant quand on le cite, c’est pour rappeler qu’il a dit que l’homme devait se rendre « maître et possesseur de la nature ». Descartes, pas écolo, Descartes, caca. Moi ça me gêne pas vraiment, je suis pas du tout descartolâtre. Mais j’ai un bon petit coeur, et puis j’ai eu une enfance un peu catho, une adolescence un peu coco, pas l’idéal pour supporter facilement l’humiliation faite à autrui. Alors ouais : pauv’ René.

Alors je le défends comme je peux. Belle moustache, déjà. Et belle coiffure, surtout. De loin on dirait vaguement un casque un peu foutraque. Villani au XIIe, en gros. Schöne Frisur, comme dirait mon pote Andreas, allemand, qui parle allemand, et dit donc Frisur pour coiffure, même quand le cheveu n’est pas frisé du tout.
Et puis, un gars méthodique, Descartes. Selon la légende, il demandait à son valet, Réveille moi toutes les nuits à quatre heures du mat’. Car Descartes avait remarqué que dans les brumes du sommeil eh ben c’est là qu’on a les meilleures idées, ou en tout cas qu’on a un regard un peu décalé sur le monde ; qu’on a un point de vue un peu onirique. Et puis ça change du cannabis. Car Descartes je crois aimait bien le cannabis.
Le rapport au sommeil et à la nuit c’est important, et y aurait une typologie à faire, parmi les artistes et penseurs, entre les lève-(très)-tôt (Brassens, Houellebecq, Céline) et les couche-(très)-tard (Gainsbourg, Proust). Mais des qui se font réveiller exprès toutes les nuits par leur valet : rien que pour ça, moi je t’aime bien René.

Alors ouais, maître et possesseur de la nature, en pleine crise écologique, ça la fout mal. Dualisme corps/âme, en pleine mode spinoziste et alors que se profile l’homme augmenté, ça la fout mal aussi. Mais je t’aime bien René, et le prochain qui dit du mal de toi, je l’attache à une chaise et je le force à dire vingt fois d’affilée – et avec du sentiment hein ! - : pauv’ René.

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