jeudi 23 juillet 2020

Y a R

Paraîtrait que Nakamura ne parle pas bien français. Et 'paraîtrait que parler comme Nakamura dans ses chansons, ça serait mal.
Il paraît pourtant, aussi, que le français est une langue vivante. Et il paraît même qu’une langue vivante, ça vit. Et que la vie dune langue vivante, cest un peu comme la vie dun être vivant : ça consiste, entre autres, à évoluer. Et il paraît même que ce qui fait évoluer une langue, c’est entre autres les usages que les gens qui utilisent cette langue font de cette langue. Nakamura se sert de la langue. Elle sen sert pour faire des trucs. Des trucs baroques, singuliers, loufoques, drôles, bizarres. Nakamura se sert de la langue, et, ce faisant, Nakamura sert la langue. Et Nakamura, accessoirement, sert même aux vieux qui ont envie de se faire de nouvelles connexions neuronales, et ainsi de repousser larrivée de la maladie d’Alzheimer et de la décrépitude.
Nakamura fait ce quon devrait tous faire. Elle prend ce quil y a. Et elle fait sa sauce avec. « Appuyez vous sur les principes : ils finiront par céder ». C'est ce que prônait à juste titre Oscar Wilde. Et c'est ce que Nakamura fait avec la langue. Aya s’appuie sur la langue française, et la fait craquer de partout. Et c’est jouissif. Et cest savoureux. 
Et Nakamura me fait penser 
à Proust. Proust qui disait, dans une fameuse lettre à madame Strauss, « pour défendre la langue, il faut l’attaquer ». Proust qui disait que les poètes (et y a de la poésie dans Nakamura) parlent une langue étrangère. Nakamura attaque la langue, et, ce faisant, la défend. La défend contre l’inertie. La défend contre l’immobilité. La défend contre la stagnation. La défend contre la mort.
Jadore les phrases de Nakamura où on ne comprend pas trop, à la première écoute. Ça me rappelle quand j’étais petit, quand ma mère me lisait Le petit chaperon rouge, et que tombait dans mes oreilles d’enfant cette phrase mystérieuse, Tire la chevillette et la bobinette cherra. Tire la chevillette et la bobinette cherra. Jy comprenais R. Je men foutais. Jaimais bien. Je trouvais ça mystérieux, singulier, envoûtant. Incompréhensible. Poétique. Tire la chevillette et la bobinette cherra. Crache encore y a R. Une phrase de Nakamura que je comprends du premier coup je suis presque déçu.
 Et Aya se sert tellement bien de la langue, et sert tellement bien la langue, quelle mélange des mots de dans longtemps avec des mots d’il y a longtemps. Par exemple Aya remet 'nana' dans le jeu, alors que depuis vingt ans on dit meuf. Et Aya a fait un tube avec catin dedans - ouais, catin, comme dans Brassens. Continue, Aya.
Et de toute façon Aya va continuer. Les langues vivent, comme les arbres poussent et comme les êtres persévèrent dans leur être. Aya va continuer. Et ceux qui n’aimez pas, cest pas grave : crachez encore : y a R.

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